mercredi 14 mars 2018

Témoignage : lettre d'une jeune française de 17 ans

J’ai presque 17 ans, je m'appelle I.*, je suis française. Je dis rarement ça, c’est évident pour moi mais entre copines on est marocaine, guinéenne, français c’est pour ceux qui ne sont pas autre chose.
Dans un an je pourrai voter, ma mère m’a dit ça quand l’année a commencé. Pour elle, ça veut dire que je ne suis plus une gamine.
Nous habitons avec ma tante A.* depuis que ma mère va souvent à l’hôpital. Elle m’a dit que vous aviez publié son message alors j’ai voulu écrire moi aussi.

Il y a des gens qui me voient comme une étrangère. J’essaie de laisser ça de côté parce que s’ils ont des préjugés et que ça les empêche de vivre moi je ne veux pas pourrir ma vie.
Je dessine, je fais du manga avec une copine et quand on est ensemble c’est le combo des regards bizarres parce qu’elle est asiatique et moi arabe. La chaleur ou la méfiance dans le regard, on les reconnaît, heureusement on a aussi des sourires.
Quand j’ai cherché des stages je pensais qu’on me refuserait mais j’ai trouvé facilement les deux fois.

Mon oncle refuse qu’on fasse les activités loisirs à la mosquée. Pour lui “on n’a pas besoin de mettre de la religion dans les cours d’arabe, de français, les sorties, etc.”
Moi ça me choquait beaucoup parce qu’on ne voit pas toutes les copines du quartier. Quand ce sont les vacances, il n’y a pas grand chose à faire d’autre. Pendant l’année scolaire c’est un peu mieux, je vois sur Insta et autres que d’autres jeunes font beaucoup de sorties, des projets artistiques avec leur école, c’est pas trop comme ça ici.  
J’ai compris le but de mon oncle, il veut qu’on voie d’autres gens et d’autres endroits. C’est vrai que c’est dur au début et puis ça m’a fait découvrir que ce n’est pas par hasard qu’ils proposent tout ça à la mosquée. Dans un sens, c’est bien parce qu’il n’y a rien d’autre, dans un sens ça nous enferme car on ne peut faire que ce qu’ils proposent et suivre les idées qu’ils ont.
Je suis à l’aise dans ma foi mais je trouve que réfléchir en dehors ça ne la diminue pas.
Il y a des jeunes qui ont beaucoup changé depuis le collège, tout le monde s’enflamme sur le voile, nous on s’en fiche un peu mais les garçons aussi ils sont très influencés sur ce qu’ils doivent faire et comment s’habiller et la coiffure, la barbe. On a deux amis qui sont à fond là dedans et maintenant même mes dessins, je ne peux plus leur montrer.
“L’homme ne doit pas entrer en tentation, l’homme ne doit pas regarder les femmes,” etc. etc. Ils n’écoutent plus de musique et regardent sur le côté quand ils parlent aux filles.

Moi je suis musulmane comme eux et ils ne peuvent pas regarder mes mangas parce qu’il y a des filles (qui sont habillées je précise).
On se moque un peu ou bien on dit qu’ils sont très forts, ils s’investissent pour accéder à une vie plus proche de Dieu, ce sont des exemples. Les avis sont différents mais ce n’est pas un problème pour en parler, avec les autres on a l’habitude de se charrier les uns les autres. Tant qu’on peut vanner, on arrive à se dire des choses aussi, chez les adultes je vois bien qu’il y a un âge où ça ne devient plus possible, tout le monde devient trop susceptible, est-ce que ça va nous arriver aussi ?

Je veux faire des études d’infirmière. Même si c’est un métier difficile c’est ce qui m’intéresse.

J’aimerais me marier avec un homme qui sera respectueux et qui n’essaiera pas de me changer ensuite. Juste ça, pas besoin qu’il soit d’une religion particulière.



* Seules les initiales des prénoms ont été conservées pour préserver l'anonymat des témoignages.

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