vendredi 6 avril 2018

Témoignage d'E. : née musulmane en France, elle doit garder le silence sur son athéisme


Je m’appelle E. Je suis née en France de parents maghrébins musulmans.
Mes parents sont arrivés en France, en banlieue parisienne dans les années 60. Ils étaient croyants non pratiquants.
Mes frères, sœurs et moi avons eu une éducation laïque basée sur le principe de valeurs universelles.
Mes parents parlaient souvent de Dieu comme un ami imaginaire bienveillant qui distribuait les bons points ou les punitions en fonction de nos actes et comportements. Je n'étais pas réellement convaincue de son existence.


A la fin des années 80 les voisines de ma mère ont commencé à changer leur tenues vestimentaires, à se voiler. Petit à petit les gens autours de nous devenaient très pieux, les mentalités changeaient.

J’ai le souvenir de quelques événements marquants qui avaient suscité l'émoi dans le quartier tels que la première intifada, la fatwa contre Rushdie et l'affaire du voile des collégiennes de Creil. On ne parlait plus de communauté maghrébine mais communauté musulmane. Il y avait de moins en moins de mixité sociale, les paraboles commençaient à fleurir favorisant le repli identitaire. Pour faire face à la délinquance, la mairie subventionnait des associations de quartier tenues par "les grands frères" qui prônaient des discours religieux pour canaliser les jeunes.
La première guerre du Golf avait enthousiasmé les jeunes et moins jeunes, Saddam Hussein était le héros du quartier, quelque chose d'étrange se mettait en place mais je ne mesurais pas encore l'ampleur.
Les boucheries et commerces hallal prenaient place tandis que charcutier traiteur et fromagers traditionnels disparaissaient. On y faisait nos courses parce que c'était pratique. On ne mangeait pas forcement hallal à cette époque. C'est devenu obligatoire par la suite.
Mon père a cessé de fréquenter les cafés pendant le ramadan et ma mère ne fumait plus dans la rue mais ils ne sont pas devenus plus pratiquants pour autant. Mes frères et sœurs eux, à l'inverse étaient plus impliqués et avec les années de plus en plus rigoureux dans leurs pratiques.


Je me suis mariée à un musulman qui ne pratiquait pas et j'ai eu 2 enfants.


Aujourd'hui 25 ans plus tard, le monde de mon enfance a complètement disparu. Une omerta religieuse s'est installée.
J'ai cherché pendant plusieurs années à me convaincre de l'existence de Dieu pour être en harmonie avec la "communauté". Tous les jours je constatais son absence avec les guerres, les injustices, les maladies. J'ai essayé de lire le Coran mais je n'accrochais pas.
Un jour on m'annonça la maladie incurable de mon fils et j'ai compris la supercherie. C'est pas dieu qui allait le sauver : c'est la médecine, la science, le progrès et moi : en l'accompagnant tous les jours.
Pendant toutes ces années où je cherchais Dieu, mon mari lui, l'avait trouvé. Comme c'est dans l'air du temps, toute ma famille, enfants compris, est devenue très religieuse et moi athée. Mes amis, mes voisins, beaucoup de mes collègues sont musulmans. Sur mon lieu de travail, on me demande souvent pourquoi je ne jeûne pas pendant le ramadan. En France, sur mon lieu de travail, je dois justifier ma non-religiosité !! Qui l'eût cru !

Nous avons signé une charte d'engagement à respecter la laïcité sur mon lieu de travail. C'est généralement respecté sauf pendant le ramadan. Durant ce mois tous les verrous de la discrétion sautent. Une musulmane qui ne jeûne pas est considérée comme irrespectueuse voire provocatrice. Pour un collègue musulman ou non musulman mon cas est incompréhensible. Ne pas avoir à me justifier serait mon idéal.

Mon mari et ma fille s'inquiètent de mon manque de ferveur religieuse et m'incitent régulièrement à faire la prière. Je me tais. Je garde le silence sur ce sujet parce que je sais qu'ils ne comprendront pas et j'ai peur de les perdre. Le problème c'est qu'on ne quitte pas l'Islam. Les péchés les plus horribles peuvent être balayés en Islam mais pas l'apostasie ni l'homosexualité. Ce sont des années de doutes et de questionnement, des années de recherches qui m'ont sortie de L'Islam. Ce n'est pas en un mot "apostasie" que l'on peut expliquer tout un cheminement. Je n'ai pas choisi d'être musulmane mais je risque le rejet, voire pire parce que je ne veux pas être musulmane. Le choix, la liberté n'existent pas en Islam.


Ce témoignage je le dédie à ma fille. Une jolie jeune fille intelligente, cultivée et indépendante. Petite elle me posait de milliers de questions, elle n'était jamais rassasiée. Aujourd'hui elle place sa foi au centre de sa vie. Sa croyance ne lui permet pas d'accepter ceux qui quittent son chemin. J'aimerais qu'elle me pose des questions pour lui répondre mais elle ne le fera pas car elle ne veut pas entendre mes réponses.


Nota Bene :
En France, depuis 1905, la laïcité garantit la liberté de conscience, soit d’avoir ou ne pas avoir de religion et de pouvoir en changer. Dans ce témoignage, Eléonore nous confie son choix de quitter l’islam. Apostate ou ex-musulmane depuis 8 ans, elle ne l’a toujours pas annoncé à son entourage. En Islam, l’endogamie stricte ne s’applique pas aux hommes qui peuvent épouser en plus des musulmanes, des chrétiennes ou des juives. Chez les pratiquants, un mariage avec une femme athée est considéré comme un grand péché. L’apostasie de l’un des conjoints pose entre autres la question du divorce, du rejet par sa famille, etc. 

mercredi 14 mars 2018

Témoignage : lettre d'une jeune française de 17 ans

J’ai presque 17 ans, je m'appelle I.*, je suis française. Je dis rarement ça, c’est évident pour moi mais entre copines on est marocaine, guinéenne, français c’est pour ceux qui ne sont pas autre chose.
Dans un an je pourrai voter, ma mère m’a dit ça quand l’année a commencé. Pour elle, ça veut dire que je ne suis plus une gamine.
Nous habitons avec ma tante A.* depuis que ma mère va souvent à l’hôpital. Elle m’a dit que vous aviez publié son message alors j’ai voulu écrire moi aussi.

Il y a des gens qui me voient comme une étrangère. J’essaie de laisser ça de côté parce que s’ils ont des préjugés et que ça les empêche de vivre moi je ne veux pas pourrir ma vie.
Je dessine, je fais du manga avec une copine et quand on est ensemble c’est le combo des regards bizarres parce qu’elle est asiatique et moi arabe. La chaleur ou la méfiance dans le regard, on les reconnaît, heureusement on a aussi des sourires.
Quand j’ai cherché des stages je pensais qu’on me refuserait mais j’ai trouvé facilement les deux fois.

Mon oncle refuse qu’on fasse les activités loisirs à la mosquée. Pour lui “on n’a pas besoin de mettre de la religion dans les cours d’arabe, de français, les sorties, etc.”
Moi ça me choquait beaucoup parce qu’on ne voit pas toutes les copines du quartier. Quand ce sont les vacances, il n’y a pas grand chose à faire d’autre. Pendant l’année scolaire c’est un peu mieux, je vois sur Insta et autres que d’autres jeunes font beaucoup de sorties, des projets artistiques avec leur école, c’est pas trop comme ça ici.  
J’ai compris le but de mon oncle, il veut qu’on voie d’autres gens et d’autres endroits. C’est vrai que c’est dur au début et puis ça m’a fait découvrir que ce n’est pas par hasard qu’ils proposent tout ça à la mosquée. Dans un sens, c’est bien parce qu’il n’y a rien d’autre, dans un sens ça nous enferme car on ne peut faire que ce qu’ils proposent et suivre les idées qu’ils ont.
Je suis à l’aise dans ma foi mais je trouve que réfléchir en dehors ça ne la diminue pas.
Il y a des jeunes qui ont beaucoup changé depuis le collège, tout le monde s’enflamme sur le voile, nous on s’en fiche un peu mais les garçons aussi ils sont très influencés sur ce qu’ils doivent faire et comment s’habiller et la coiffure, la barbe. On a deux amis qui sont à fond là dedans et maintenant même mes dessins, je ne peux plus leur montrer.
“L’homme ne doit pas entrer en tentation, l’homme ne doit pas regarder les femmes,” etc. etc. Ils n’écoutent plus de musique et regardent sur le côté quand ils parlent aux filles.

Moi je suis musulmane comme eux et ils ne peuvent pas regarder mes mangas parce qu’il y a des filles (qui sont habillées je précise).
On se moque un peu ou bien on dit qu’ils sont très forts, ils s’investissent pour accéder à une vie plus proche de Dieu, ce sont des exemples. Les avis sont différents mais ce n’est pas un problème pour en parler, avec les autres on a l’habitude de se charrier les uns les autres. Tant qu’on peut vanner, on arrive à se dire des choses aussi, chez les adultes je vois bien qu’il y a un âge où ça ne devient plus possible, tout le monde devient trop susceptible, est-ce que ça va nous arriver aussi ?

Je veux faire des études d’infirmière. Même si c’est un métier difficile c’est ce qui m’intéresse.

J’aimerais me marier avec un homme qui sera respectueux et qui n’essaiera pas de me changer ensuite. Juste ça, pas besoin qu’il soit d’une religion particulière.



* Seules les initiales des prénoms ont été conservées pour préserver l'anonymat des témoignages.

samedi 10 mars 2018

Témoignage : lettre ouverte aux gardiens de la femme et de la foi


Je m’appelle A.*, j’ai 31 ans. Je suis née au Maroc et j’y ai vécu jusqu’à mes 16 ans avant d’arriver en France où j’ai redoublé ma seconde et fait une école d’ingénieur.
Aujourd’hui mariée, mère de deux filles françaises de parents nés et élevés au Maroc et en Algérie, je mesure tout ce que je dois leur dire derrière des portes closes car beaucoup en France confondent la défense de la foi et la répression des opinions.

Mes enfants apprennent l’arabe. Je veux qu’elles soient en mesure de comprendre non seulement cette langue, mais aussi le Coran, sans qu’elles aient besoin de recourir à des personnes extérieures qui pourraient les manipuler. On m’a proposé une fois les cours d’arabe à la mosquée, jamais je ne les y mettrai car les filles qui y vont ne progressent pas beaucoup dans le domaine des connaissances linguistiques mais sont couvertes de la tête aux pieds. Elles y apprennent les mœurs rétrogrades, pas l’arabe.
Je vois des mères en boubou qui n’ont pas la tête couverte, récupérer leurs filles qui sont en jilbab : comment ne pas comprendre que ça les prépare à mener une certaine vie avec une certaine vision de la place des femmes et de la tentation inévitable qu’elles représenteraient pour les hommes.
Au Maroc, petite, j’avais un foulard pour prier, jamais un vêtement pour me couvrir de la tête aux pieds : c’est très très différent comme message à la fois pour les fillettes et pour les gens qui les croisent. C’est leur dire qu’elles ne sont pas comme les autres enfants.
Il y a des conventions européennes pour que les enfants d’immigrés apprennent la langue de leurs parents ; ça concerne aussi d’autres langues comme l’italien ou le portugais, et je pense que c’est particulièrement important de le faire à l’école publique pour ne pas laisser cet enseignement à des religieux qui ont leurs propres objectifs. C’est pour cela qu’il faut renforcer les connaissances des enfants pour les préparer à forger leur opinion.

Je pratique plus que mon mari, il a fui l’Algérie en 94 et a longtemps été dégoûté par la religion. Pourtant, le mal qui mettait sa vie en danger est maintenant de notre côté de la Méditerranée, il n’a pas changé : plus on nie son existence, plus on dit que ce n’est pas l’islam ou que c’est à cause de l’islamophobie que des jeunes tombent dedans, moins on a de chances d’éviter de nouveaux drames.

Est-ce que l’Algérie était islamophobe ? La Tunisie démocratique est-elle islamophobe ? Le problème est une expansion des idées rigoristes, pas la peur ou la critique de l’islam que nous interdisons avec ce mot qui est un couperet redoutable.

Des parents enterrent leurs enfants, des femmes ou des maris enterrent leurs partenaires, à cause d’un manque de lecture du Coran, ou de trop de lecture du Coran.
Certains sont ignorants, c’est vrai, mais qui peut dire que les éléments dont cette violence émane ne sont pas dans le livre Saint ?

Dès que je parle de travailler sur ce qu’on enseigne de la religion musulmane, et surtout du contenu de notre propre livre, je dois faire très attention. C’est déjà de l’apostasie pour beaucoup, et si des non musulmans ne sont pas en sécurité en France, c’est déjà parce que les musulmans eux-mêmes ne peuvent pas parler de ces choses-là ouvertement sans prendre des risques.
Une religion qui rend criminel de penser autrement a un sérieux problème : il faut le régler pour avancer, pour que nos enfants ne soient pas les victimes ou les auteurs de ces drames.
La campagne anti-islamophobie ne sert plus à défendre les musulmans du racisme; globalement un groupe nous pousse à vouloir à tout prix défendre des choses pour préserver une culture ou des usages qui sont en bonne partie imposés par les courants rigoristes, c’est une énergie considérable qui n’est pas employée à combattre les idées de ces mêmes courants. Pourtant, c’est l’extrémisme qui tue en France, pas l’islamophobie.

Les français ont réagi assez dignement, quand même, malgré les idées d’extrême droite qui soufflaient sur les braises. Il y a des musulmans qui ont presque le discours de l’extrême droite .ça passe moins pour du racisme selon la personne qui parle.
Effectivement tout n’est pas de la liberté religieuse. Au Maroc, il y a déjà eu des fermetures de mosquées, pourtant l’idée de faire passer cela pour du racisme ne traverserait l’esprit de personne.
Il ne suffit pas d’écrire “Liberté Egalité Fraternité”, il faut le faire appliquer et veiller à le faire respecter, au lieu de tenter de satisfaire toutes les exigences, c’est à la République d’être exigeante avec ses citoyens, toutes religions confondues. C’est un respect mutuel que prône la laïcité, c’est important de le rappeler plutôt que de laisser les gens croire que ça sert simplement à éviter que l’Etat se mêle des affaires religieuses.
La loi de 1905 ne dit pas du tout que la liberté religieuse est absolue et qu’on peut tout faire, il est clair dès le départ que cette loi préserve la liberté de conscience et que la République pose des conditions à l’exercice libre des cultes.
Quand les affaires religieuses causent du tort aux citoyens, c’est à l’Etat d’agir de façon responsable et ferme.
Les musulmans progressistes sont aussi otages de ce bras de fer qu’une minorité mène avec l’Etat. Nous avons pris l’habitude de rester silencieux. Si l’Etat cède, c’en est fini de nous : c’est évidemment l’objectif des rigoristes.

Je ne supporte pas qu’on regarde d’abord qui sont les citoyens pour savoir s’ils ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres. Si ma voisine imposait une soutane noire à sa fille tous les jours pour sortir on se poserait des questions, mais si cela vient de moi, c’est culturel. Si son mari lui interdit de sortir, c’est sexiste et inacceptable, mais si c’est à moi qu’on l’interdit, c’est encore culturel. Que se passe-t-il pour que le relativisme soit aussi courant ?
J’en ai marre des gardiens des femmes et de foi, et de ceux qui ne trouvent pas anormal qu’ils agissent ainsi en France. Qui peut croire que nous sommes des citoyens si différents, jusqu’à confondre des obligations religieuses avec la loi, quand en vérité, c’est la pression populaire d’une minorité qui parvient à importer ces obligations en France ?




* Seule l'initiale du prénom a été conservée pour préserver l'anonymat de la muse qui témoigne.



Testimony : An open letter to the guardians of women and faith


My name is A.*, I am 31. I was born in Morocco and I was raised there until I was 16. Then my family came to France. I repeated my freshman year but now I am an engineer.
I am maried and mother of two French girls from parents born and raised in Morocco and Algeria. I realise that I have to tell them many things behind closed doors just because many people in France think defending their faith and shutting down opinions are the same thing.

My daughters learn Arabic. I want them to be able to understand this language and the Quran without any help from people who could try to manipulate them. Clerics from the Mosque offered help several times but we never sent the girls to the Arabic courses there.
We saw that the pupils at the mosque don't improve their Arabic that much but they are taught conservative habits and the little girls wear the jilbab, they are veiled from head to toe for every cultural activity.

I see mothers from western Africa, they wear wax dresses when come with their daughters there. Unlike their moms, these girls are veiled from head to toe : how could we not understand that this a way to prepare these girls to live in a certain way, to believe in a certain position of women in the society and to think that they are a tentation to men.

When I grew up in Morocco I wore the headscraf to pray but it was never meant to make me disappear like the jilbab. This sends a very special message to little girls and to people when they meet them in the streets. It says that they are not like other little girls.
In France they are European agreements to enable kids to learn the language of their immigrant parent ; Portuguese, Italian are included along Arabic and I think it's really important that we keep doing this in public schools in order to avoid letting only religious clerics teach with their own agenda in mind. We need to strenghten our kids' knowledge and their minds as well.

I pray and practice my religion more than my husband. He fled from religious civil war in Algeria in the 90s and he was very reluctant to practice for years.
We see that we he feared there is here in France now. The more we deny it, the more we say it's not Islam, the more we say it's because of islamophobia that young people embrace this ideology, the more we fail to prevent new tragedies.

Was Algeria islamophobe ? Is Tunisian democracy islamophobe ? The problem comes from rigorists and the ideas they spread. It doesn't come from fearing or criticising islam and this word makes it possible for them to forbid any fear or critic of islam. This is a powerful fool.

Parents attend their children's funerals, wives and husbands grieve their companions because of a lack of knowledge of Quran or because too much knowledge of Quran.
That's quite the paradoxe there. Some terrorists are ignorant, that's true but who could say that the seeds of this violence are not in the Book ?

I must be very careful when I talk about how islam is taught to our kids or what verses we can find in Quran and how to deal with them. I already sound like an apostate for many people, and if non-Muslim people are not safe in France anymore it's because even Muslim people themselves are not safe anymore to speak their mind freely without putting their safety at risk.
If a religion criminalizes opinions then this religion has real issues. I don't remember things being this harsh a few years back. We need to deal with this issue if we don't want our children to be victims or perpetrators of more tragic events.

Anti-islamophobic campaigns are now more than just a way to prevent racism ; there is a minority using this to gather Muslim people mainly in order to defend at all costs a culture or habits spread by new conservatives branches. This energy is not used to fight against the ideology of these new conservative branches. Islamophobia has not caused deaths of Muslims in France but islamism has.

French people showed a lot of dignity, despite far-right parties trying to spark hate against Muslim people after the deadly terror attacks. Some Muslim people talk almost like far right people, if you close your eyes you would think they are from the alt-right. It doesn't seem racist since they are Muslim.
In Morocco mosques can be closed by the authorities and no one would try to make this look like a racist decision. Everything can't be labelled religious freedom. Liberty, Equality, Fraternity is our French devise but it's not just something you write, it's something to put into actions. If the French Republic could stop trying to give satisfaction to every religious group despite its ideas and if the French Republic could hold all its citizens accountable in the same way regardless of religions that would be true Equality.
Our State and Church Separation law of 1905 means mutual respect and it's important to repeat this rather than letting people believe that this law just means that the State doesn't meddle in religious matters. This law doesn't say that you could do anything in the name of religion and that religious freedom is above the law. This law ensures freedom of consciousness and says right from the start that there can be restrictions on religious freedom.

When religious matters hurt citizens the French State has a responsability to act and act firmly.
Progressive Muslims are hostages in this tug of war between a minority of rigorists and the French State. We are used to remain silent. If the States caves in, we are done for. Obviously this is what rigorists want.

I can't bear the fact that we first look at who the citizens are to say if they have the same rights and duties than other citizens. If my neighboor decided to dress her little girl in a long dark blouse everyday to go out of their house, people would start wondering what's going on, but if I do that with my daughter it's just culture. If my neighboor has to ask her husband's permission to go out, it's called sexist and unacceptable, but if it happens to me it's culture. How did this kind of relativism become so commonly used ?
I am really fed up with guardians of women and faith. I am also fed up with people who don't think that what these guardians do is not normal in France. Who can really think that we are so different as French citizens and that we can't separate religious obligations from French laws ? In reality it's a minority and they use pressure to bring these obligations in France and spread them.



* We only wrote A.'s initial to protect her anonymity.















mercredi 7 mars 2018

La faute des juifs, l'incarnation des faillites de la République qui menacent tous les français





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"Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l'oreille, on parle de vous" disait Fanon. L'inquiétude face à l'antisémitisme qui s'est enraciné en France depuis les années 2000 devrait nous alarmer et nous pousser à exiger plus, bien plus de nos responsables politiques. Il traduit des troubles dans la société française dont nous pâtissons déjà collectivement, au-delà des seuls directement visés : fractures communautaires, refus de respecter le contrat républicain, nid favorable au développement d'autres haines et idéologies mortifères.

L'assassinat d'Ilan Halimi, les victimes de Mohamed Mérah, les commerces dont les propriétaires étaient juifs vandalisés et incendiés à Sarcelles en juillet 2014, dont la plus ancienne pharmacie de la ville, l'attentat contre l'Hypercasher en 2015, le meurtre de Sarah Halimi, l'incendie d'un autre supermarché juif à Créteil fin 2017 : ces événements suffisent à dire que l'on risque encore de mourir parce que juif en France au 21ème siècle. Ils ne sont hélas que les plus marquants d'une haine tenace contre les juifs qui leur fait quitter en masse un pays, leur pays, qui compte la troisième plus large communauté juive après Israël et les Etats-Unis.

Nul besoin de scruter les quartiers "sensibles". En France, il y a un antisémitisme ordinaire à l'école, dans la rue, dans les immeubles et il est alarmant de retrouver régulièrement des adolescents auteurs d'actes antisémites.

Des courants alimentent insidieusement un antisémitisme nouveau, qui n'est pas fait que d'insultes ou d'agressions qui surviennent régulièrement, mais d'un sentiment revanchard vis à vis des juifs et qui est installé et s'enracine depuis 20 ans.

De la lutte antiraciste à la lutte antisémite : les alliés objectifs qui font le lit de la haine


Le conflit israélo-palestinien, l'assimilation de la démarche d'Israël à la colonisation occidentale et à l'esclavage subis par les africains et afro-américains, les prises de position de leaders comme Angela Davis en faveur du boycott d'Israël au travers du mouvement BDS et une bienveillance vis-à-vis de l'antisémitisme promu par les organisations comme la Students for Justice in Palestine (dont les membres ont régulièrement des propos qui tomberaient sous le coup de la loi en France), un antisémitisme qui en vient à être considéré comme un dommage collatéral dans la défense de la Palestine, etc. : ces éléments éclairent mais ne suffisent pas à expliquer la porosité désormais récurrente entre certains militantismes pour les droits des noirs et le rejet antisémite par des français afro-descendants des Antilles, de Guyane, de l'océan indien et de pays d'Afrique différents.

Là où certains verraient la couleur comme dénominateur commun, c'est peut-être la fabrication d'une idée d'ennemi commun qui crée la cause commune.


L'effet Dieudonné, symbole du noir qu'il faut sauver des juifs


En 2003, l'une des premières polémiques concernant Dieudonné et l'antisémitisme, a fait regretter qu'il n'y ait pas une instance de défense des intérêts des noirs. En effet, la LICRA, SOS Racisme, le MRAP, la LDH ont une approche par le droit et par la prévention des actes racistes et antisémites, mais ne se positionnent pas idéologiquement dans la défense d'intérêts communautaires. En plus, ces associations ne peuvent pas se porter partie civile dans des procès pour actes ou propos racistes et antisémites tout en accompagnant des personnes accusées de ce type de faits.

Le "lobby juif" ou plus simplement désigné "le lobby" pour éviter de paraître trop ouvertement antisémite, serait cet ennemi qui entraverait les causes des autres minorités à cause de son "omniprésence" supposée dans les médias et le secteur bancaire, qu'il utiliserait comme moyens d'oppression, que certains militants panafricanistes comme Kemi Seba mettent désormais en avant avant le racisme dû aux blancs, racisme institutionnel ou d'Etat. En somme, par un étrange imbriquement argumentaire, les "vrais" colons et oppresseurs seraient les juifs, en Israël via leur état ou ailleurs via leurs "moyens".

Les sketchs de Dieudonné, qui se définit comme antisioniste, sont pour certains tombés sous le coup de la loi : de drôle, antisioniste, il s'est révélé antisémite dans certains de ses propos. Une réalité judiciaire qui est facilement écartée par ceux qui y voient des exemples du "deux poids deux mesures" dans toute la société, au profit des juifs et au détriment des autres minorité. C'est une expression omniprésente dans leurs discours.

Si s'opposer à l'extension des colonies israéliennes correspond à l'antisionisme, développer l'idée d'un lobby juif et par extension, celle d'un homo-judaeous en y assimilant chaque juif ou juif supposé, c'est de caractère antisémite. La frontière entre l'opposition politique et le systématisme d'une détestation des juifs est difficile à maintenir, c'est pour ça que le mouvement BDS et ses alliés la franchissent régulièrement, en particulier aux Etats-Unis où la liberté d'expression peut servir de prétexte pour des discours de haine dans une plus large mesure qu'en France, des discours et images qui circulent en France via internet et réseaux sociaux.

Les sketchs de Dieudonné, ses communications complotistes, sa proximité avec Alain Soral, véhiculent une provocation/harcèlement (?) des juifs et un antisémitisme qui ne parvient pas toujours à conserver un déguisement respectable. Ses ennuis judiciaires en font l'exemple sacrificiel d’une lutte et parachèvent le tour de manivelle donné à la machine antisémite qui s'est mise à tourner à plein régime depuis la seconde Intifada au début des années 2000, et qui marque un seuil d'actes antisémites : malgré des variations d'une année à l'autre, l'on ne revient pas aux chiffres datant d'avant cette date.

Claudy Siar, animateur antillais très engagé, disait en 2005 dans une interview diffusée sur  Afrik.com, constater que "les différentes associations qui luttent contre le racisme en France (le Mrap, SOS Racisme, la Licra, ndlr) ne s’attellent jamais à des discriminations lorsqu’elles sont à l’encontre de gens de la communauté noire. Ou très rarement. Je connais une de ces associations, que je préfère ne pas citer, qui, quand elle reçoit une plainte de ce type, la met directement à la poubelle. L’affaire Dieudonné a révélé les carences de la communauté noire à défendre l’un des leurs. Et surtout a montré à quel point on pouvait de façon automatique et sans aucun discernement frapper quelqu’un de la communauté sachant qu’il n’y aura aucune réplique."

Auprès d'une partie des noirs, les actions des associations antiracistes, parties civiles dans plusieurs procès ou actives sur le terrain pour sensibiliser contre le racisme, ne se remettront pas de cette image fausse d'abandon du noir au profit du juif, ou du blanc.
Par capillarité, pour lutter contre le système comme Dieudonné, ses fans, bien au-delà de la seule communauté noire, pourront être sensibles aux thèses diffusées par son allié Alain Soral, et par d'autres sites complotistes comme alterinfo ou Panamza qui restent dans la même veine anti-juive, et feront la part belle à des idées complotistes après l'attaque du Thalys et les attentats de janvier et de novembre 2015.
Ces sites, qui sont devenus une référence pour certains lecteurs, influencent tout leurs rapports aux juifs, aux institutions républicaines et à la société française : fausses informations, éléments tronqués, la construction d'une idée de "complot sioniste global" et d'un "lobby sioniste" sont leurs lignes éditoriales.
Lire ici un article de rue89 sur ces sites et leur diffusion d'idées complotistes au moment des attentats en 2015.

Des propos négationnistes ou incitant à la haine raciale ont valu des condamnations à Alain Soral. Depuis 2003, les condamnations de Dieudonné, ses dérapages, sa lettre à Salah Abdeslam, ont poussé certains de ses premiers soutiens à revoir leur opinion. Entre temps, 15 ans se sont écoulés.

C'est également à l'époque de l'affaire Dieudonné et du sketch réalisé sur le plateau d'On ne peut pas plaire à tout le monde, qu'est constitué le CRAN, Conseil Représentatif des Associations Noires, une fédération impulsée en 2005 par Nicolas Sarkozy pour avoir une "voix des noirs" sur le modèle des représentations communautaires à l'américaine dans le dialogue avec l'exécutif.
Emergeant avec une nouvelle sensibilisation à la nécessité d'un lobbying et d'une réponse plus musclée dans des affaires médiatisées mais pas toujours solides ni fondées sur le plan judiciaire, le CRAN n'est pas toujours connu du grand public mais peut émettre une communication officielle jugée représentative des noirs de France.
Pas un mot du CRAN lors des commémorations des attentats de novembre 2015 qui verront mourir des victimes noires et arabes françaises ainsi qu'étrangères attablées en terrasse ou présentes au Bataclan ni lors des commémorations des attentats de janvier 2015, sauf pour souligner l'absence d'Emmanuel Macron au troisième jour, quand Clarissa Jean-Philippe, policière municipale martiniquaise tuée à Montrouge par Coulibaly, fut honorée par le ministre de l'intérieur Gérard Collomb et Annick Girardin la ministre des outre-mer.
Le CRAN demande de l'empathie, et à raison, sur les questions telles la prise en compte des crimes passés, des difficultés actuelles rencontrées par les noirs français et la juste reconnaissance des noirs comme citoyens à part entière comme l'exige la Constitution qui refuse toute différenciation raciale. Cependant, cette empathie n'est pas transversale et ne saurait concerner les autres minorités ni  la communauté nationale qui représente toutes et tous et ce, même dans des moments où le choc, l'émotion et le deuil semblent toucher les français au-delà des catégories dans lesquelles l'on ne cesse de les enfermer.
Sans aucunement être représentative des comportements individuels et de l'émotion qui peut relier les français dans la joie ou dans le deuil, cette sectorisation "chacun ses morts, chacun sa mémoire" accentue les fractures.

Invitée lors de 24h Pujadas en novembre 2017, Maboula Soumahoro, qui organise la version française du Black History Month, avait exprimé cette forme d'antisémitisme liée à la compétition entre minorités, considérant normal de constituer une liste électorale pour faire perdre son mandat à un maire parce qu'il était juif.
Dans ce contexte, certaines idées pour la défense de la cause noire s'alignent plus facilement avec un rejet des juifs, notamment au travers d'une récupération disparate de l'héritage de Malcolm X.


Malcolm X, le chaînon manquant
Une rue de Jérusalem porte le nom du révérend Martin Luther King Jr. Elle nous renvoie plus de 50 ans en arrière, à l'homme qui unifia l'Amérique pour changer la Constitution et faire reconnaître la pleine citoyenneté des noirs américains. Et c'est bien avec lui et avec sa vision du militantisme noir affirmé, mais non séparatiste ni racialiste, que des juifs américains ont pu prendre part au mouvement des droits civiques qui a abouti à la fin de la ségrégation aux Etats-Unis.

Mémorable marche sur Washington en 1963 où eut lieu le discours "I have a dream" de Martin Luther King Jr, le rabbin Joachim Prinz aux côtés du Dr King Jr et de John Lewis, Matthew Ahman, Floyd B. McKissick, le révérend Eugene Carson Blake, Cleveland Robinson.


Le rabbin Abraham Joshua Heschel en mars 1965 lors de la célèbre Marche pour les droits civiques de Selma à Montgomery avec le révérend Martin Luther King et d'autres leaders de ce mouvement, dont John Lewis, une nonne non identifée, Ralph Abernathy,  Ralph Bunche, le révérend Fred Shuttlesworth
Le rabbin Abraham Joshua Heschel en mars 1965 lors de la célèbre Marche pour les droits civiques de Selma à Montgomery avec le révérend Martin Luther King et d'autres leaders de ce mouvement, dont John Lewis, une nonne non identifée, Ralph Abernathy,  Ralph Bunche, le révérend Fred Shuttlesworth
S'il est une figure majeure de la lutte pour les droits civiques, Martin Luther King Jr est moins cité qu'une autre figure plus virulente et radicale dans sa démarche pour l'émancipation et même l'établissement d'un état américain séparé pour les noirs. Cette approche plaît plus aux militants anti-racistes radicaux français qui tentent d'occuper le devant de la scène et qui reprennent notamment en partie sa parabole "nègre de maison" contre "nègre des champs" pour distinguer les noirs inconscients ou volontaires dans un système les exploitant, de ceux qui se battent. Cette distinction, poussée jusqu'à l'insulte, revient souvent, avec son équivalent "arabe de service".
Leader charismatique noir et musulman, Malcolm X et une certaine idée que certains se font et répandent de ses discours, scellent la séparation de la cause noire de la cause juive, voire la justification d'un antisémitisme lié à une concurrence entre ces causes.

Dans son opposition aux juifs de Harlem qui développaient des commerces prospères vendant de l'alcool au moment où Nation of Islam incitait les noirs à ne pas boire et à embrasser l'islam, Malcolm X a délivré des discours très virulents et critiques pouvant alimenter des discours antisémites. Il a été d'autant plus à l'aise dans ces critiques qu'il avait auparavant condamné le nazisme et la Shoah, et ne généralisait pas celles-ci à tous les juifs américains.
Malcolm X disait des juifs qu'ils étaient les plus féroces à défendre les membres de leur communauté, que quiconque s'en prenait à l'un d'eux pouvait s'attendre à une féroce réponse collective pour le protéger, une réaction épidermique qui pouvait même valoir d'être étiqueté antisémite pour une simple critique.
Il expliquait que les larmes des juifs venus trouver refuge aux Etats-Unis ne devaient pas faire oublier celles des noirs qui y supportaient la ségrégation après avoir enduré l'esclavage au prix de nombreuses vies.
Il allait jusqu'à dire que les juifs qui cautionnaient le système ségrégationniste opprimant les noirs, ne valaient pas mieux que les nazis européens, en légitimant sur le sol américain esclavage, lynchage, ségrégation et répression d'une autre minorité.
Malcolm X reconnaissait tout à fait l'investissement de juifs avec les noirs du mouvement des droits civiques en particulier avec Martin Luther King Jr, c'est aussi pour cela qu'il a dit qu'il n'avait pas peur de les critiquer très sévèrement, quitte à être estampillé antisémite pour ses propos, car cela ne reflétait pas son sentiment vis à vis des juifs dans leur ensemble.

Ces discours, associés à la position très antisémites de Louis Farrakhan depuis la mort de Malcolm X, contribuent à un fond de préjugés antisémites dans certaines approches des rapports entre les juifs et les noirs, qui est nettement renforcé par la véritable OPA de l'islam politique sur la cause des noirs depuis les 20 dernières années.
Marwan Muhammad, qui se compare beaucoup à Malcolm, est l'une des illustrations de la façon dont les penseurs noirs, les mémoires des peuples noirs, leurs revendications, sont allègrement repris dans la communication de personnalités et d'organismes de l'islam politique ici et ailleurs.

Ceux qui prônent l'émancipation des noirs du monde entier se retrouvent parfois solidaires et relais potentiels, volontairement ou non, de ceux qui ont identifié le juif comme leur ennemi pour raison religieuse.

L'antisémitisme comme profession de foi


Malgré des décennies de ce qui ne peut pas être qualifié de cohabitation parfaite et paradisiaque, dresser le juif comme adversaire systématique du musulman est devenu un phénomène plus courant dans les années 2000 notamment avec la seconde Intifada et avec un ancrage de plus en plus efficace des idéologies radicales, tant sur le terrain, que dans les cercles d'intellectuels et les diffusions sur internet en particulier via des vidéos qui sont partagées des centaines de milliers de fois.
Cela coïncide avec un néoconservatisme et un besoin d'affirmer et de défendre ses croyances, sa religion, son honneur, d'une manière qui ne concerne pas que les musulmans d'ailleurs, et qui trouve une expression dans un militantisme du quotidien : fierté d'arborer des vêtements religieux, port du hijab et de la barbe, alimentation halal, finance et épargne islamiques, sites de rencontres par affinité religieuse, etc.
Dans ce contexte de l'affirmation identitaire religieuse néotraditionnaliste, la place du juif peut plus naturellement être celle de l'ennemi, non seulement à cause du conflit israélo-palestinien mais aussi via des préceptes écrits qui déshumanisent les juifs, au point que le mot juif constitue une insulte courante entre musulmans.

Verset 82 de la sourate Al-Ma'ida

Verset 51 de la sourate Al-Ma'ida


Versets 5 et 6 de la Sourate al-Jumu'ah

Nombreuses versions de différents narrateurs, de Sahih Muslim



Tous les musulmans ne sont pas antisémites, loin de là. Ce qui demeure inquiétant, c'est la banalité de propos ou prêches antisémites dans des conférences, des vidéos, des livres qui sont destinés à des musulmans. D'ailleurs lorsque des imams font l'objet de controverses suite à des prêches antisémites, ils ne perdent pas pour autant la possibilité de continuer à intervenir, notamment auprès d'un jeune public. Il en va de même pour l'homophobie ou des messages violents et dégradants visant les femmes. A l'exemple du très populaire Hassan Iquioussen, dont le prêche antisémite datant de 2004 a été très largement diffusé y compris via des librairies, ces discours se sont banalisés, sans même provoquer de poursuites ni de réactions politiques.
Quelques polémiques de ci de là, et puis l'indignation s'en va. Cela, ni les autres influences ou prises de position inquiétantes, n'ont pas empêché les responsables politiques de gauche comme de droite, comme Nicolas Sarkozy, de permettre à l'UOIF d'avoir pignon sur rue partout en France, non seulement dans les lieux de cultes mais dans des congrès, conférences organisées dans des lieux publics.
La doctrine salafiste a elle aussi trouvé sa place dans les paysages ordinaires français, en ville, en banlieue, dans des campagnes où il a été difficile d'enrayer son expansion.
La liberté de culte, garantie par l'Etat, dans le cadre de la loi, se trouve sans limite alors même qu'elle bat en brèche des droits fondamentaux. Entraver la liberté religieuse est un terrain sur lequel les français rechignent énormément à aller compte tenu des persécutions religieuses qui ont marqué notre histoire et que nous ne voulons pas renouveler. Seules les dérives sectaires sont visées par les autorités, et il en faut beaucoup pour qu'elles se décident à intervenir.


Les récents attentats ont poussé à la fermeture de mosquées, décisions de l'exécutif qui, malgré de vives critiques et des accusations d'atteinte à la liberté, n'ont pas été cassées par les recours juridiques. Cela intervient hélas avec plus d'une dizaine d'années de retard.
Les effets de ces années d'aveuglement politique, localement et de la part de l'exécutif, sont désastreux en l'absence de contre-discours au sein même des courants religieux, d'efforts de terrain contre le racisme et l'antisémitisme dans le milieu scolaire, de rigueur concernant les interventions associatives sportives cultuelles et culturelles qui peuvent être mises à profit pour avoir une influence durable sur la jeunesse. La mise au placard de la laïcité, l'absence de charte et de contrôle, ont rendu possible de subventionner des activités à caractère culturel (et cultuel sous couvert de culture), éducatif, sportif, qui n'étaient en fait que des moyens de capter un jeune auditoire pour faire la promotion d'idéologies religieuses radicales.
La sourde oreille également, face aux quelques sonnettes d'alarmes tirées par des parents, des éducateurs, des habitants, a conforté les partisans de l'islam radical dans une démarche à laquelle la résistance était quasi inexistante. Pendant que ces idées faisaient leur oeuvre, la conscientisation identitaire revancharde a achevé de créer une posture revendicative de la part des français dont les parents sont originaires des anciennes colonies, en particulier l'Algérie avec l'histoire douloureuse de la guerre.
Ces revendications, et la vision des rapports de société qu'elles dessinent, ont beau être minoritaires, l'emphase que leur offre une médiatisation sans précédent et un soutien politique, contribuent à leur permanence.

"Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l'oreille, on parle de vous" disait Fanon. Ses héritiers, tout comme une partie de la gauche, ont pourtant signé un chèque en blanc à toute démarche des mouvances décoloniales malgré leurs radicalités. Le soutien à l'autodétermination, l'autodéfense, l'émancipation face à l'hégémonie coloniale tant structurelle qu'idéologique (ce que serait l'universalisme) pousse à un aveuglement : rejeter l'universalisme car il serait initié par les blancs et donc les colons - bien que les penseurs des Lumières ont lutté contre l'esclavage - et absoudre toute dérive d'une initiative décoloniale parce qu'elle vient des minorités. Double préjugé essentialiste lourd de conséquences.

En effet, lorsque Houria Bouteldja du Parti des Indigènes de la République, n'affirme pas "sionistes au goulag" mais défend une position simplement de précurseur d'antisémitisme. Selon elle, le drame qui a touché les juifs de France lors de la Shoah ne concerne pas les français dont les ancêtres ont connu la colonisation, cette mémoire là n'est pas la leur, ni en tant que récipiendaire identitaire ni en tant que français puisque ce fut l'oeuvre d'un état dans lequel ils ne se reconnaissent pas.
Ce narcissisme poussé à l'extrême empêche de participer de la même nation, en rendant impossible de reconnaître et de comprendre les histoires des uns et des autres, ni même l'Histoire qui a permis que la France soit ce qu'elle est aujourd'hui et qui en fait un pays unique et indivisible. Si un descendant d'esclave ne peut pas avoir de légitimité à s'émouvoir du récit d'un réfugié politique fuyant le franquisme ou la guerre en Syrie, si aucun d'eux ne peut avoir de légitimité à s'émouvoir du sort de Gavroche sur sa barricade parce qu'il était blanc, il n'y a plus de République et plus que des divisions.


Et ces juifs pour lesquels l'empathie n'est pas de mise pour les "indigènes", sont en plus coupables car ils se distingueraient par leur "souhait de ressembler au blanc", ils bénéficieraient d'une faveur, d'une priorité en raison de la reconnaissance de ce qu'ils ont subi et exerceraient une position dominante par rapport à d'autres minorités.

Tout concourt à ce que la pression réelle de l'antisémitisme quotidien dans les quartiers populaires s'ancre durablement notamment à cause de l'indifférence voire de la justification de cette haine dans les discours de ceux qui se montrent comme les nouveaux fers de lance de la lutte contre le racisme. Rompus aux usages des réseaux sociaux, habiles prestidigitateurs du buzz pour amener des polémiques qui enflamment un microcosme avant d'être repris dans les médias, ils parviennent à écraser la vision des réalités de leur approche idéologique, tour à tour effaçant ou accusant le juif.

La nouvelle vieille idée du juif prospère, influent, omniprésent dans le secteur des banques et des médias, etc. rejoint les vieux relents d'antisémitisme que l'extrême droite et les nazis ont entretenu depuis le début du 20ème siècle. Le danger de la rencontre de ces idées, et de l'amplification antisémite qu'elles induisent, sont désastreux en terme d'actes antisémites, d'indifférence face à ces actes, et de repli de la communauté juive qui se trouve aux abois jusqu'à émigrer en Israël par le pouvoir de l'Alya.

Une opinion qui finit par laisser le juif à son sort, dans le repli, la crainte et le sentiment réactionnaire


Comme il semble "mériter ce qui lui arrive", pour une raison ou une autre, le juif est non seulement ciblé par l'antisémitisme mais aussi privé de la reconnaissance même du caractère anormal des actes antisémites et de la prévention de ces actes.
Dans le stage du syndicat enseignant Sud Education 93 " Au croisement des oppressions, où en est-on de l'antiracisme à l'école" réalisé en décembre 2017, le programme annonçait un développement sur l'islamophobie dans l'éducation nationale et sur le "racisme d'Etat", des ateliers en non-mixité raciale mais pas de programme spécifique sur l'antisémitisme, que l'on croirait absent des inquiétudes de ce département, que les habitants juifs fuient pourtant de plus en plus, à l'image de Sarcelles, lorsqu'ils n'ont pas pu déménager à l'intérieur de la Seine-Saint-Denis vers des villes qui leur semblent moins "dangereuses". Cet exode intra francilien est abordé dans cet article néerlandais.

En 2017 l'on a dénombré :
121 actes antimusulmans (source Ministère de l'intérieur) pour une estimation de 5,8 millions de musulmans français (étude Pew Institute).
311 actes antisémites (source Ministère de l'intérieur) pour environ 500 000 juifs français (Berman Jewish Database). Légère baisse par rapport à 2016, mais une augmentation des actes avec violence 97 en 2017, contre 77 en 2016.
L'antisémitisme, qui est incroyablement élevé dans les actes rapportés, par rapport au nombre de juifs, est souvent absent des conférences et discours de la vague de néo-antiracistes qui entendent apporter la parole "authentique" et répondre aux réalités de terrain qui échapperaient aux associations historiques et aux institutions.
Lorsque Rokhaya Diallo aborde l'antisémitisme de l'Allemagne nazie sans le cautionner, elle lui confère une approche particulière, en soulignant que la haine des nazies envers les juifs n'était pas basée sur des caractéristiques dégradantes comme ce fut le cas pour d'autres minorités visées par la déportation et la solution finale (personnes handicapées, tziganes). Pourtant, c'est véritablement comme une catégorie de sous-hommes même inférieurs à des animaux que les juifs étaient désignés, les untermenschen. Cette étrange requalification par Rokhaya Diallo rejoint celle de l'activiste américaine Linda Sarsour, rompue aux doubles discours, va plus loin dans cet aspect. Ce n'est pas la qualité mais la quantité que Linda Sarsour s'attache à décrire dans un concours macabre de façon à minimiser le nombre de victimes juives par rapport aux LGBTQ, tziganes et autres minorités dont elle choisit d'exagérer le nombre.

Actuellement, c'est l'islamophobie qui est présentée comme un phénomène galopant, et s'il s'avère hautement nécessaire de lutter contre tout acte discriminatoire et/ou violent à l'encontre des musulmans, il est étonnant que l'antisémitisme ne soit pas médiatisé ni pris en compte sur le terrain comme le voudraient les chiffres. Il est devenu courant d'entendre ou de lire que les musulmans français sont comme les juifs des années 30, alors qu'il semble bien que les juifs français soient en réalité toujours comme ceux des années 30.
La force de la République est de pouvoir lutter contre ces deux maux en sortant des pièges du prisme communautaire, sans effectuer de traitement inégalitaire, non seulement en mettant les moyens nécessaires pour sensibiliser contre le racisme dès l'école élémentaire, mais aussi en enrayant la diffusion des discours de haine sur internet, et intervenant pour que la jeunesse puisse mieux découvrir toutes les valeurs républicaines.
Une proposition qui paraît anodine dans le récent rapport de Gilles Clavreul sur la laïcité, pourrait aider à réinvestir les lieux où les jeunes reçoivent des repères, au travers d'activités de loisir et éducatives (dont les néoconservateurs religieux ont bien compris l'importance puisqu'ils ne manquent jamais d'utiliser ce type d'animations pour leur endoctrinement) : cibler les formations d'animation culturelle ou sportive et les associations en conditionnant un cursus sur la laïcité et les valeurs de la République ainsi que des conditions en terme d'engagement civique pour le versement des subventions. C'est un pas décisif, mais quid des écoles privées religieuses, de la supervision de l'enseignement qui y est véhiculé, de l'évincement systématique des imams qui fautent, de la protection des enfants dans les écoles ou ailleurs (quelles propositions est-il possibles de faire à ce sujet ?).

La Shoah est un sujet qui symbolise une époque peu glorieuse dont on ne veut pas se souvenir, et certains préfèrent pointer la flèche vers les juifs pour ne pas plonger plus en amont dans ce que cette époque a pu représenter.
Ainsi, alors que personne ne s'étonne de l'existence de Fonds de garantie qui mettent la solidarité nationale au service de l'indemnisation des victimes d'accident de la route y compris en cas de délit de fuite, et des victimes d'actes de terrorisme, il se trouve des personnes pour trouver suspicieuse celle des victimes et des enfants de victimes de déportation à laquelle l'Etat français a participé sous le régime de Vichy.
Ce malaise, cette inversion de la culpabilité qui retombe sur les juifs alors que ce sont des bien des juifs qui ont subi ces crimes, favorisent une forme de vindicte vis-à-vis de ceux qui semblent profiter de la Shoah, vindicte aussi ridicule qu'ignoble.

Désertant de plus en plus l'enseignement public, fuyant des quartiers devenus peu sûrs, les juifs de France deviennent doublement victimes d'un repli forcé par l'absence d'engagement politique réel, en particulier localement, pour enrayer l'antisémitisme. Car c'est bien localement que des réunions ou conférences - où l'antisémitisme est remis à neuf et au goût du jour - sont organisées et autorisées avec parfois l'aide de subventions des mairies, départements, de la CGET, etc.
Bordeaux, Lille, Le Havre, Gennevilliers, Lyon, etc. ont ouvert des espaces publics à ceux qui, agissant sous la large bannière de l'antiracisme politique ou de rencontres militantes ou encore de rassemblement religieux, permettent à des personnalités et des ouvrages antisémites de trouver une audience régulièrement en France. Il n'y a quasiment aucun contrôle de la programmation de ces événements et ce sont des citoyens qui en dénoncent la teneur, en comptant sur la mobilisation des réseaux sociaux, et ce parfois au prix d'intimidations et de menaces de mort, comme ce fut le cas pour Laurence Marchand Taillade en 2016.

De même, des universités ont, sous le prétexte de la pluralité d'opinion, fait intervenir des personnalités faisant le lit de l'antisémitisme, sans leur apporter de contradiction, qui est pourtant la condition pour que la pluralité d'opinion, la liberté d'expression, soient garantes d'une parole qui ne stigmatise pas.

Face à ce climat qui affecte bien au-delà de l'ordinaire du quotidien, le repli des juifs leur fait quitter les endroits où il y aurait une chance pour des citoyens de se rencontrer et de se lier en faisant fi des préjugés. En particulier, la fuite des élèves juifs de l'école publique a des conséquences désastreuses sur la possibilité des autres élèves et de leurs familles à faire société harmonieusement avec des juifs.
Dans le même temps que cette invisibilisation progressive des juifs dans la sphère publique, ce repli encourage un durcissement de leurs positions politiquement, une aubaine que l'extrême droite a saisi pour tenter de ratisser des voix chez ces français qui ont été trahis par les partis traditionnels des deux côtés de l'échiquier politique. Paris, Lille, Orléans, Elancourt, Le Havre, Mulhouse, Avignon, Les Essarts le Roi, Bordeaux, Venissieux, la liste des endroits où il a été possible de laisser faire des poussées néoconservatrices est longue et, dans les années 2000, le phénomène prend de l'ampleur avec la reconnaissance dont bénéficiera l'UOIF par les dirigeants tels que Nicolas Sarkozy qui, en tant que Ministre de l'Intérieur, se rendait alors au salon tenu par cette organisation au Bourget où Femmes et hommes étaient séparés, ce qui ne l'a nullement dérangé pour réaliser son intervention.


Et voici les antisémites et négationnistes d'hier au secours des juifs de France : si pour l'heure leur réponse n'a pas été positive en terme de voix, cela illustre un risque non pas d'une bascule électorale, mais d'une persistance à l'immobilisme de la classe politique, sauf de la part de l'extrême droite qui ne ménage aucun effort populiste, et dont certains courants sont eux mêmes toujours fortement antisémites.