mercredi 28 février 2018

Tariq Ramadan et la fin du féminisme

Capture d'écran Youtube d'une conférence de l'UOIF


Les paroles libérées par les initiatives MeToo et BalanceTonporc ont fait émerger des témoignages et des plaintes à l'encontre de Tariq Ramadan.
L'engouement autour de ces mouvements, les clash nécessaires à la réflexion entre tribunes contre-tribunes contre-contre-tribunes et les débats qui ont enflammé les plateaux TV avant d'enflammer les réseaux sociaux et vice versa, ont sorti la question des violences faites aux femmes des cercles militants.

La parole libérée,  ou encore des paroles semées aux vents ?

Toute cette campagne populaire retombe dès lors que des femmes déposent véritablement plainte.
Pas toutes les femmes non, car dans le cas de la plainte contre le ministre Gérald Darmanin, la possibilité d'embarrasser le président, son gouvernement, sa "grande cause nationale", sa ministre Marlène Schiappa si appréciée des médias, ont permis que l'on voie Caroline de Haas prendre son bâton de pélerine et faire le tour des plateaux TV avant que l'issue donnée à cette plainte ne soit connue. 
Il faudrait croire toutes les femmes, soutenir toutes les femmes, quel que soit le dossier. Mais ce principe ne semble pas concerner l'affaire Ramadan, tout comme les agressions à La Chapelle dans le nord de Paris ne nécessitaient pas une réponse politique et policière mais "un élargissement des trottoirs" selon Caroline de Haas. Tout ce qui pourrait stigmatiser une minorité cause un silence gêné.  N'est-ce pas entretenir le préjugé, de continuer à les assimiler collectivement à des questions de criminalités individuelles ? De taire par bienveillance là où d'autres insistent par racisme ?
Ici, quel que soit le dossier, il concerne Tariq Ramadan, figure intellectuelle des Frères Musulmans. Tout soutien aux plaignantes est assimilable à de l'islamophobie, bien que ces plaignantes soient musulmanes elles aussi. Personne ne veut s'engager sur ce terrain, risqué, ouvrant la voie à de possibles pertes de points auprès d'un électorat ou d'une base militante musulmane.
Les musulmans et musulmanes ne seraient donc pas capables de penser et de se positionner autrement que par affinité religieuse et idéologique ? Quelle insulte, et quel aveu d'absence totale de confiance envers les musulmans, envers le process judiciaire et envers ces femmes qui ont porté plainte.

Des plaignantes livrées à la vindicte et à l'intimidation

C'est en Suisse qu'a retenti le premier signal d'alarme sur le traitement des femmes qui témoignaient : l'avocat de Tariq Ramadan, suite aux révélations de témoignages émanant de plusieurs femmes, avait tout bonnement et simplement annoncé publiquement son intention de les "débusquer". La député Anne-Marie Von Arx avait réagi en constituant un comité de soutien. Cette élue écologiste est engagée dans la lutte contre la traite humaine et dans plusieurs initiatives telles que Enfants Femmes Afghans, la SPA ou encore un centre de thérapie pour les auteurs de violences domestiques.

Pour certains partisans du prédicateur, la seule victime dont l'identité est connue ne serait pas assez belle pour avoir été violée, cela aurait été un trop grand privilège pour elle d'avoir ses faveurs, cela suffit à la discréditer. D'autres attitudes illustrent simplement le système patriarcal musulman, l'homme fait figure de guide, de chef de famille, de tuteur. Sa parole, sa réputation définissent son honneur. Tandis que l'honneur de la femme est d'être et de demeurer pure. 
Donc un viol devrait être tu et que ce déshonneur ne soit pas rendu public.

Des associations musulmanes, d'autres intellectuels musulmans, des imams, en France, en Suisse, au Maroc et ailleurs, ont apporté leur soutien à Tariq Ramadan et s'expriment avec le hashtag #FreeTariqRamadan pour la libération de celui qu'ils considèrent comme un "prisonnier politique" à cause de l'islamophobie, comparable à Nelson Mandela, ce qui prouve que l'islam est bien un projet politique.
Une cagnotte a été constituée pour l'aider concernant ses frais de justice, collectant plus de 100 000 € en 72h pour lui assurer la meilleure défense. 
Son salaire maintenu par l'université d'Oxford de 4500 € et sa fortune sont donc saufs.

#FreeTariqRamadan c'est aussi une entière substitution à la justice, le Comité Contre l'Islamophobie en France a exigé la libération immédiate de Tariq Ramadan, victime d'islamophobie dans le process judiciaire impulsé par des victimes musulmanes que le comité a ainsi choisi de ne pas représenter si elles s'estimaient lésées et discriminées en raison de leur islamité.
Elles auraient pourtant bien besoin d'un secours communautaire, car elles sont l'objet d'une campagne d'intimidation qu'aucune figure connue du féminisme ni association ne viennent essayer de contredire : harcèlement des plaignantes identifiées sur les réseaux sociaux, le recours aux faux signalement pour tenter de faire fermer leurs comptes, la tentative de blocage de leurs cagnottes pourtant bien maigres pour couvrir des frais liés à leur démarche (billets de train, paiement des huissiers, etc.). 
La détention de Tariq Ramadan est notamment justifiée par des craintes qu'il n'exerce des pression sur les plaignantes, que dire de celles exercées par ses partisans...

  1.  

Il ne passe pas une semaine sans une nouvelle théorie impliquant un mensonge de la part des plaignantes, un oubli intentionnel de la justice concernant un alibi de Tariq Ramadan, avant qu'une semaine plus tard l'on apprenne que cet alibi serait faux, qu'une autre instruction pourrait démarrer aux Etats-Unis.
Ces allers-retours alimentent les camps pro et anti Ramadan dans leurs certitudes, sans que le déroulement normal du process judiciaire ne soit préservé. 
En dehors du parquet et des avocats de la défense, nul ne connaît les dossiers. Et personne ne peut prédire l'issue de cette instruction. Pourtant, le silence face au sort réservé aux femmes qui ont entamé cette démarche en dit long sur les véritables motivations politiques, économiques et médiatiques des féministes qui nous ont tant parlé de soutenir les femmes. Elles seules constituent une force d'opinion qui a toujours pris partie, sans égard pour autre chose que les femmes. Apparemment d'autres motivations nous avaient échappé : business, carrière, médiatisation et poids politique n'étaient pas étrangers aux prises de position "en faveur des femmes".

Isabelle Alonso, Christine Le Doaré et Judith Waintraub sont les seules à avoir publiquement soutenu la démarche des plaignantes.  

Le sort réservé à ces femmes en dit long sur l'écart entre l'égalité de chacun devant la justice, tel qu'annoncé dans nos principes et lois, et une réalité médiatique et financière qui éloigne les plaignantes de la démarche judiciaire malgré l'accessibilité supposée des frais de justice. 
Néanmoins, un point rassurant, le combat pour l'écriture inclusive continue.

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